Tout d’abord, les fans de haïkus connaissent sans doute déjà qui est l’écrivain derrière ce projet. Après tout, Bernard Anton est réputé pour sa maîtrise de la forme poétique japonaise et s’est illustré dans de multiples ouvrages et recueils du même genre. Son nom d’auteur est « Ben », et ses casquettes sont différentes ! À la fois professeur au Québec, auteur, thérapeute, il s’est souvent démarqué lors d’évènements consacrés à la poésie et au slam. Il comptabilise à son actif un chiffre impressionnant, dépassant plus de cinquante publications auprès de nombreux éditeurs. Cette fois, Bernard Anton fait de nouveau confiance aux Impliqués Editeurs, une catégorie appartenant au grand réseau de L’Harmattan. En cause, la guerre en Ukraine, qui ravage une partie de la population et génère une vague de solidarité en Europe et ailleurs. Exploitant ses thèmes de prédilection comme l’amour, la prise de conscience et le désastre écologique, son regard se pose sur ce que l’humain fait de pire. Avec ses autres recueils, dont Célébrades, Bernard Anton s’approprie la langue et participe à son renouvellement. En créant des mots, en jouant avec les sons et les images…
D’ailleurs, ce spécialiste en haïku a su dompter cet art venu du pays du soleil levant. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Bernard Anton a totalement cerné son but premier : mettre des mots et exprimer des émotions. Cela peut concerner les jours qui se suivent, ce temps qui s’écoule inexorablement ainsi que de scènes étonnantes, grâce à une ponctuation riche en exclamations et interrogations. Même si le haïku n’a pas pour obligation de rimer, Bernard Anton l’use souvent, sans doute pour donner une musicalité à son texte ?
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Au cours de ce livre court, le poète observe la situation qui l’entoure et qui est si lointaine à la fois. En effet, Bernard Anton ne se bat pas sur le front — mais il a décidé de brandir son arme qu’est l’art. Cette approche s’inscrit dans l’actualité et dans des causes qui lui tiennent à cœur. Dans sa longue carrière, Anton s’est attaqué à de nombreux sujets, dont la protection de la nature. Pour rappel, la guerre a pris racine en 2014, avec la révolution ukrainienne de la Dignité. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exigé la mobilisation générale et a sollicité l’aide internationale. En réponse à cette demande, de pays comme les États-Unis et les États européens ont émis un message fort. Certes, la Russie dispose d’alliés puissants telles la Chine et l’Inde, mais ces derniers sont-ils fiables ? L’Histoire semble se dessiner en faveur des terres envahies. Afin de porter sa pierre à l’édifice, Bernard Anton a écrit un peu plus de la moitié du recueil Lauriers pour l’Ukraine à destination du peuple ukrainien. Résolument positif vis-à-vis de la révolution et la résistance à la Russie, ses haïkus exposent des images choquantes, mêlant urgence écologique et humaniste : « crise humanitaire — les pierres et forêts pleurent — la chair à canon ». Grâce à une subtilité qui lui est propre, Bernard Anton souligne également l’ironie et l’hypocrisie des personnes réagissant à ce conflit international : « l’analyste zélé — commente les stratégies — sourire en coin », exprimant à quel point les médias ont tendance à déshumaniser et à s’exclure du combat. Un aspect, que l’on retrouve souvent dans les travaux de Bernard Anton est sa sensibilité en matière de questions théologiques et son attrait pour la sphère spirituelle comme en témoigne ce haïku : « serait-ce une erreur — de dieu qui esquisse l’histoire — le sang s’insurge. »
Même si la grande majorité du recueil est tourné vers l’Ukraine, l’auteur ne peut s’empêcher de glaner d’autres horizons, afin de proposer un genre d’éventail de pensées et d’images, qui finalement se complètent bien et composent tout un monde. Dans la partie appelée « Entre la peau et la pulpe », les clichés ordinaires d’une nature vivante lui parviennent. Animaux, humains, arbres, plantes, mets délicieux, voyages se réunissent pour décrire ce qu’est l’expérience de la vie. Cela forme un beau contraste avec le début du livre, très sombre et brutal. Bernard Anton ne craint pas de sélectionner des mots qui font frémir, frissonner. Finalement, grâce à cette pause exquise et aux autres parties comme « Libertades » ou « Jeux de grâce », le poète accorde une trêve à son lecteur, en prenant soin de lui. On peut choisir en exemple ce haïku transcendant : « s’amuser à fond — ecchymoses et blessures — hennir de joie ».
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En définitive, cet admirateur de la grande Brigitte Bardot reste fidèle à lui-même, avec ce nouvel ouvrage qui correspond vraiment à son univers et à ses inspirations. Parfaitement dans sa zone de confort, l’œuvre Lauriers pour l’Ukraine attire l’attention sur un évènement historique majeur, qui laissera son empreinte dans le parcours de l’humanité.